La Société Informatique de France (SIF) souhaite questionner les candidates et candidats à la Présidence de la République quant à leur stratégie pour que la France trouve sa place dans le développement mondial de l’informatique et du numérique, en leur demandant de réagir aux onze propositions ci-dessous.
Après l’invention de l’écriture, de l’alphabet et de l’imprimerie, l’informatique est la quatrième révolution dans l’histoire de l’Humanité qui transforme tous les aspects de notre vie : notre manière de travailler, d’apprendre, de nous soigner, d’échanger avec nos proches, de frapper monnaie, ou d’administrer la cité.
L’Union européenne sous la présidence de la France affiche la volonté de démarrer une nouvelle ère: l’Europe numérique. Les défis à relever sont nombreux : inclusion, services publics, média, culture, économie, coopération internationale, etc. En amont de ces défis, doter la France d’une stratégie ambitieuse en matière de recherche, d’éducation et de médiation est un enjeu crucial pour que notre pays participe à la construction d’un monde guidé par les valeurs d’égalité, de sécurité, de transparence, de respect des personnes, d’autonomie, de paix, d’inclusion, et de partage des connaissances. Pour cela, il est nécessaire, d’une part, de donner à chaque citoyenne et à chaque citoyen une culture générale adaptée à notre époque, et d’autre part, de former des spécialistes du secteur informatique et numérique, si déterminant pour l’avenir de notre pays.
Enseignement
Réduire les inégalités dans l’enseignement du lycée constitue l’objectif commun de nos propositions pour l’informatique et le numérique dans l’enseignement secondaire. Tout d’abord, il est important d’aller vers une égalité territoriale d’accès à l’enseignement de l’informatique avec (1) le déploiement de la spécialité NSI (Numérique et Sciences Informatiques) dans les 2500 lycées français, ainsi que la possibilité aux élèves de chaque académie d’accéder à une classe préparatoire MP2I*/MPI*. Par ailleurs, nous souhaitons promouvoir l’égalité sociale et disciplinaire, grâce à une formation scientifique pour tous avec (2) 50% d’enseignements scientifiques dans le tronc commun, où le numérique et l’informatique doivent ête inclus. De plus, (3) conserver 3 spécialités en terminale offrirait aux élèves un spectre de formation plus large et un processus d’orientation simplifié.
Ces inégalités ne seront jugulées qu’en (4) augmentant le nombre de postes au CAPES NSI et à l’agrégation d’informatique, pour accroître le vivier des enseignantes et enseignants en informatique, qui devra passer à 2500 en 5 ans. La mise en place des agrégations internes et « docteurs » contribuera à cette croissance.
Les besoins des métiers du numérique sont immenses (cybersécurité, intelligence artificielle, data science, sobriété numérique, éthique…) et les formations universitaires, BTS et écoles d’ingénieurs publiques proposent des formations de qualité. Mais la demande de formations post-bac au numérique croît fortement, alors que ces formations disposent d’un nombre de places et de moyens trop limités pour faire face à la demande, en même temps que d’innombrables formations privées éclosent. Il s’agit donc : (5) d’augmenter les moyens humains et financiers dans les établissements d’enseignement supérieur publics au numérique, pour répondre au besoin croissant d’informaticiennes et d’informaticiens, pour que l’informatique soit enseignée essentiellement par des informaticiennes et informaticiens, dans des conditions matérielles et bâtimentaires adaptées à la demande ; (6) de doter les réformes structurantes de l’enseignement supérieur public post-bac (transformation des DUT en BUT, extension des licences professionnelles, nouveaux bachelors) de calendriers, moyens et objectifs réalistes pour les acteurs de terrain et adaptés aux évolutions à la hausse des niveaux de qualification requis par le marché de l’emploi.
Médiation
La médiation en informatique est également essentielle car elle permet de diffuser la culture numérique et d’améliorer sa compréhension par un large public. Nous proposons (7) la création d’un établissement national en charge de coordonner la médiation informatique sur tout le territoire, la Maison de l’informatique et du numérique en France (#MINF), construite de manière ubiquitaire en harmonie avec les nombreuses initiatives locales. Ces dernières auraient ainsi les moyens de diffuser leurs actions et de les faire déboucher sur la création de communs numériques. En particulier, prendre en charge la dimension patrimoniale du numérique est indispensable, car il y a urgence pour pérenniser les collections existantes.
En complément, la SIF propose de (8) développer le tissu associatif à l’image de la Fondation Blaise Pascal ou de ClassCode, pour développer la compétence et l’appétence des jeunes pour l’informatique, et en particulier des femmes et des jeunes des milieux défavorisés, sur l’ensemble du territoire.
Recherche
Au-delà de son rôle d’initiateur de nouvelles technologies numériques, la recherche en informatique doit être au centre de la formation de pointe des cohortes d’acteurs d’aujourd’hui et de demain.
Les pays qui ont le plus investi dans la recherche sont maintenant en pointe de la technologie et ont conquis les marchés. La France doit adopter une stratégie similaire, et pour ce faire, (9) augmenter très significativement le nombre de chercheuses et chercheurs en informatique d’ici à la fin du quinquennat, et promouvoir l’attractivité des carrières pour attirer et conserver les talents.
Un soutien fort à la recherche en Informatique doit être assumé par l’État, (10) par un haut niveau de financement récurrent et une rationalisation des appels à projets.
Enfin, (11) le soutien au continuum recherche-enseignement-transfert, et plus généralement à toutes les synergies entre recherche académique en informatique et acteurs économiques, doit également figurer parmi les priorités.
Nous appelons ainsi les candidates et candidats à se positionner sur ces onze points.